La Comédie musicale

[rediffusion] EASTER PARADE (Parade de printemps) – Charles Walters (1948)

En 1948, près de dix ans se sont écoulés depuis la séparation du couple Ginger Rogers-Fred Astaire. Les partenaires les plus séduisantes se sont succédé au côté du célèbre danseur : Paulette Goddard, Rita Hayworth, Lucille Ball, Eleanor Powell… En rencontrant Judy Garland pour Easter Parade, Astaire profite de la dimension burlesque que l’actrice donne à leur couple : l’effacement de l’histoire d’amour (peu crédible) au profit de la comédie lui permet d’exprimer une fantaisie extraordinaire – dans des numéros tels que A couple of swells, où il interprète un clochard – ou de laisser libre cours à son inventivité : dans la plus belle séquence du film, Steppin’ out with my baby, le fameux trucage de la danse au ralenti prouve que sa virtuosité ne dépend pas d’un tempo prédéfini.

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La mise en scène très sobre de Charles Walters convient à Easter Parade, conçu comme une revue de Broadway : du scénario aux costumes, tout est mis au service exclusif des nombreux numéros de danse, et le réalisateur se donne même le luxe de commencer le film par une séquence musicale de sept minutes. Chaque star est filmée en fonction de ce qui la mettra le plus en valeur : gros plans pour le visage de l’héroïne, travellings avant sur les jambes de la danseuse Ann Miller, plans d’ensemble pour les chorégraphies soignées d’Astaire . Belle parade. [Ophélie Wiel – Télérama]



Le film de Charles Walters mérite bien son titre de Easter Parade (Parade de Printemps). Même s’il se situe dans le monde du spectacle, la vision qu’il en donne est bien différente de celle révélée par un autre film de Judy Garland, A Star is born (Une Etoile est née). Certes, les protagonistes du film éprouvent quelques difficultés dans leur vie professionnelle et amoureuse, mais le ton de l’ensemble reste résolument léger. Comme dans beaucoup de comédies musicales, les coulisses de Broadway sont ici prétextes à introduire de nombreux numéros, et de ce point de vue, le spectateur est servi : Fred Astaire interprète déjà deux chansons avant de prononcer les premières répliques du film ! À le voir ainsi chanter et danser, on s’étonne d’ailleurs que l’acteur, se trouvant trop âgé, ait pu hésiter à reprendre le chemin des studios pour Easter Parade . Au milieu de jeunes danseurs, et aux côtés de sa cadette Judy Garland, Fred Astaire se révèle aussi extraordinairement virtuose que dans ses films des années 1930. Grâce à ses prouesses, et à la vitalité impressionnante de sa partenaire, cette œuvre qui aurait pu rester seulement plaisante garde une place de choix dans l’histoire du genre. 


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Initialement, le film devait être dirigé par Vincente Minnelli, avec Judy Garland, Gene Kelly et Cyd Charisse, Arthur Freed étant, une fois encore, l’exceptionnel  de l’opération. Easter Parade devait donc à la fois reconstituer le couple du Pirate, Gene Kelly et Judy Garland, et permettre à Cyd Charisse de trouver un rôle plus important que ceux qu’elle avait eu jusqu’ici.

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La MGM redoute que le tournage du film ne devienne aussi conflictuel – et dispendieux – que celui du Pirate et Minnelli reçoit cinq jours avant le début du tournage un message d’Arthur Freed : « Le psychiatre de Judy pense qu’il est préférable que vous ne réalisiez pas ce film. Il pense que Judy ne souhaite pas que vous la dirigiez, car vous symbolisez à ses yeux toutes les difficultés qu’elle a rencontrées dans le studio. »

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Tout en regrettant que Judy Garland – son épouse – ne lui ait pas annoncé la nouvelle elle-même, Minnelli se range à l’avis de son producteur et Charles Walters le remplace, s’empressant de faire réécrire en partie le scénario par Sidney Sheldon. Walters commence aussitôt à travailler avec Kelly mais ce dernier se fracture la cheville au cours d’une partie de football. Comme il est hors de question que Kelly puisse danser avant cinq mois, il doit être, lui aussi, remplacé. La MGM fait alors appel à Fred Astaire qui avoue : « N’ayant pas dansé depuis près de deux ans, exception faite de mes leçons aux professeurs de mes studios, je me rendais compte qu’un énorme travail m’attendait. Brusquement, je me demandai si je serais capable de réaliser ce pour quoi on m’engageait : mes vieilles articulations n’allaient-elles pas s’ankyloser en réponse à un entraînement acharné ? J’avais lu tellement d’articles dans les journaux au sujet de ma cinquantaine imminente que je me serais presque vu cul-de-jatte, du moins à les en croire ! J’avais tout de même quarante-huit ans, et je redoutais un peu de perdre une jambe à gigoter avec trop d’énergie. C’est pourquoi je pris mon temps et commençai en douceur ma remise en forme. Tout se passa bien, et tout fonctionna comme avant, c’est-à-dire sans plus de craquements et de douleurs que d’habitude. Il fallut pas mal de modifications pour adapter le film à ce changement d’interprète. Je me mis au travail avec le chorégraphe, Bob AIton, pour préparer et répéter mes danses, et, au bout de cinq semaines environ, le tournage put commencer. Ma retraite avait pris fin ! »

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Parallèlement Cyd Charisse, victime d’une déchirure du tendon d’une jambe, est obligée de laisser sa place à Ann Miller. La seule à demeurer de la distribution initiale est Judy Garland, a priori la plus instable… Curieusement d’ailleurs, Judy Garland apparaît dans le film beaucoup plus à l’aise que dans Le Pirate, comme si le style de Fred Astaire lui convenait mieux que celui de Gene Kelly. Jouant sur un sujet à la « Pygmalion », Easter Parade décrit donc l’ascension d’une petite danseuse qui va, grâce à l’énergie de son partenaire et à ses propres dons, devenir à son tour une vedette.

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Bénéficiant de la présence de Fred Astaire, Judy Garland et Ann Miller, Walters en profite pour décliner toutes les possibilités de danse à sa disposition : du romanesque It only happens when I dance with you qui permet à Fred Astaire de tenter de séduire Ann Miller avant que celle-ci ne s’en serve à son tour à son propre profit, au burlesque A Couple of Swells qui rappelle le Be a Clown du Pirate et paraissait idéalement destiné à Gene Kelly et à Judy Garland plus qu’au couple formé par Fred Astaire et la même Judy Garland. Ann Miller danse Shaking the Blues away, un brillant numéro de claquettes, Judy Garland, troublante, interprète I want to go back to Michigan et Steppin’ out with my Baby permet à Robert Alton, le chorégraphe du film, d’utiliser le ralenti dans ce numéro qui oppose Astaire à plusieurs danseuses différentes. Quant à la danse Beautiful Faces qui révèle à quel point Hewes a tort de vouloir faire faire à Hannah le type de pas habituels à son ex-partenaire Nadine, il offre la possibilité à Astaire et a Alton de parodier discrètement le Cheek to Cheek de Top Hat et ses célèbres plumes volantes.

La variété des numéros d’Easter Parade a certainement été à l’origine du succès considérable remporté par le film, l’une des plus profitables comédies musicales de la MGMFred Astaire et Judy Garland ne se retrouveront pourtant plus jamais au cinéma. [(La comédie musicale – Patrick Brion – Edition de la La Martinière – 1993)]


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L’histoire

Don Hewes (Fred Astaire) se rend chez sa partenaire Nadine Hale (Ann Miller) avec des cadeaux de Pâques, mais la jeune femme lui apprend ainsi qu’à Jonathan Harrow III (Peter Lawford ) qu’elle ne partira pas – comme prévu – pour Chicago car elle a signé un contrat pour participer à la prochaine revue des Ziegfeld Follies. Mécontent, Hewes déclare que n’importe qui peut remplacer Nadine et il jette son dévolu sur Hannah Brown (Judy Garland), une danseuse qui se produit dans un café. Tout en constatant que Hannah n’est pas une véritable danseuse, Hewes l’assure du fait que dans un an ce sera elle qui sera la principale attraction de la Parade de Pâques. Il lui donne le prénom de Juanita mais leur numéro n’est pas convaincant. Hewes comprend alors qu’il doit utiliser Hannah par rapport à elle-même et non comme une nouvelle Nadine. Les numéros de Hewes et de Hannah sont désormais des succès. Hewes s’éprend de sa partenaire, mais Hannah croit en le voyant danser avec Nadine qu’ils s’aiment toujours. Hewes et Hannah comprennent cependant qu’ils sont faits l’un pour l’autre et Hannah est – comme promis – la vedette de la nouvelle «Parade».


JUDY GARLAND
Judy Garland à l’instar d’un James Dean ou d’une Marilyn Monroe, est entrée trop tôt dans la légende du cinéma. Personnalité fragile et dépressive, elle n a pas pu surmonter les profondes crises qui entraînèrent sa fin prématurée. Par sa carrière exceptionnelle commencée dès sa plus tendre enfance aussi bien que par sa mort précoce, à quarante-sept ans à peine, Judy Garland est devenue un mythe du monde du spectacle.

FRED ASTAIRE
La longue carrière de Fred Astaire est désormais entrée dans la légende ; son exceptionnel génie de danseur ne l’a toutefois pas empêché d’être aussi un excellent acteur.


Programme musical (sélection)
« Drum Crazy »
Written by Irving Berlin
Sung and Danced by Fred Astaire
« I Want to Go Back to Michigan »
Written by Irving Berlin
Sung by Judy Garland
« I Love a Piano »
Written by Irving Berlin
Sung by Judy Garland
Danced by Fred Astaire and Judy Garland
« Snooky Ookums »
Written by Irving Berlin
Sung and Danced by Fred Astaire and Judy Garland
« Ragtime Violin »
Written by Irving Berlin
Sung by Fred Astaire
Danced by Fred Astaire and Judy Garland
« When the Midnight Choo Choo Leaves for Alabam' »
Written by Irving Berlin
Sung and Danced by Fred Astaire and Judy Garland
« Shakin’ the Blues Away »
Written by Irving Berlin
Sung and Danced by Ann Miller
« Steppin’ Out with My Baby »
Written by Irving Berlin
Sung by Fred Astaire
Danced by Fred Astaire and Chorus
« A Couple of Swells »
Written by Irving Berlin
Sung and Danced by Fred Astaire and Judy Garland

LA COMÉDIE MUSICALE
La comédie musicale a été longtemps l’un des genres privilégiés de la production hollywoodienne, et probablement le plus fascinant . Né dans les années 1930, en même temps que le cinéma parlant, elle témoigna à sa manière, en chansons, en claquettes et en paillettes, de la rénovation sociale et économique de l’Amérique. Mais c’est dix plus tard, à la Metro-Goldwyn-Mayer, que sous l’impulsion d’Arthur Freed la comédie musicale connut son véritable âge d’or, grâce à la rencontre de créateurs d’exception (Vincente Minnelli, Stanley Donen) et d’acteurs inoubliables (Fred Astaire, Gene Kelly, Judy Garland, Cyd Charisse, Debbie Reynolds). Par l’évocation de ces années éblouissantes à travers les films présentés, cette page permet de retrouver toute la magie et le glamour de la comédie musicale.

IRVING BERLIN
Aux États-Unis, son God Bless America en a fait un héros national. Mais on doit aussi au compositeur des succès comme Say It Isn’t SoEaster Parade Parade de Printemps), et l’inusable White Christmas (L’Amour chante et danse).



LES MUSICALS DE LA MGM
L’âge d’or de la comédie musicale hollywoodienne, celle qui réussit l’accord parfait entre action, musique et danse, est à jamais lié à un sigle : MGM et à un nom : Arthur Freed, le grand promoteur du genre.



A STAR IS BORN (Une Etoile est née) – George Cukor – 1954
Avec son titre repris régulièrement par la presse pour saluer l’avènement de la moindre vedette, A Star is born (Une Etoile est née) fait assurément partie des films les plus importants de l’histoire du cinéma américain. Il fut pourtant boudé à sa sortie, souffrant avant tout d’un montage tronqué par les exécutifs de la Warner. Mais peut-être le sujet du film lui-même a-t-il rebuté les spectateurs, tant il jette sur les coulisses de l’usine à rêves un éclairage peu reluisant

THE PIRATE – Vincente Minnelli (1948)
Avant-garde ! A l’issue d’une projection de travail organisée le 29 août 1947 à la MGM, Cole Porter fait part de ses craintes au producteur Arthur Freed : selon lui, The Pirate risque fort de dérouter le public. Et de fait, malgré son affiche prestigieuse, la sortie de cette comédie musicale atypique va constituer un désastre financier, les recettes atteignant à peine la moitié du budget initial… D’où vient que ce film, aujourd’hui culte, n’a pas séduit en 1948 ?


ANN MILLER
Née en 1923 et disparu en 2004, cette Texane prend très tôt des leçons de claquettes, et parvient à se faire engager par la RKO à l’âge de quatorze ans, grâce à un faux certificat. En 1938, on la remarque dans Vous ne l’emporterez pas avec vous, de Capra, mais c’est Broadway qui la rend célèbre l’année suivante. Elle trouve ensuite ses meilleurs rôles à la MGM, notamment dans Un jour à New York. Elle se détournera de l’écran au milieu des années 1950 pour se consacrer à la scène, mais fera tout de même un bref come-back dans Mulholland Drive de David Lynch.

CLINTON SUNDBERG
Né en 1903 dans le Minnesota, cet acteur abonné aux seconds rôles savoureux a fait la plus grande partie de sa carrière à la MGM, qui l’emploie entre autres dans Vive l’amour, Parade de printemps ou Entrons dans la danse, avec Astaire et Rogers. Il travaille ensuite à la télévision dans les années 1960, ainsi qu’au théâtre, où il se produit dans la pièce Arsenic et vieilles dentelles. Sa voix très caractéristique lui vaut de faire beaucoup de doublage. L’acteur s’éteindra en 1987 à Santa Monica.



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