Le Film français

MIQUETTE ET SA MÈRE – Henri-Georges Clouzot (1950)

Henri-Georges Clouzot ne compte que quatre films à son actif, mais il fait déjà partie de l’élite des réalisateurs français. L’Assassin habite au 21 a été un grand succès public ; Le Corbeau bien que controversé  et Quai des orfèvres méritent le qualificatif de chefs-d’œuvre. Pour de nombreux exégètes de Clouzot, Miquette et sa mère est considéré comme un passage à vide dans son œuvre.  « J’avais un contrat pour tourner La Chambre obscure, le directeur du Cinéma français d’alors m’a expliqué que ce serait mal venu de tourner ça. J’ai proposé au producteur de lui rendre son chèque et qu’il me rende ma liberté. Mais il s’est entêté et m’a donné le choix entre deux ou trois sujets qui ne me plaisaient pas beaucoup. Et j’ai fini par piquer Miquette et sa mère, un petit peu par goût du paradoxe et aussi pour l’embêter. » 

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Miquette et sa mère semble une facilité. Pourtant ce classique du boulevard écrit par Robert de Flers et Gaston Arman de Caillavet ne relève pas d’un genre familier au cinéaste. Le film est tiré d’une pièce de Robert de Flers et Gaston de Caillavet de 1907. C’est un duo d’auteurs dramatiques qui ont fait les beaux jours du théâtre de boulevard de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Le film s’en amuse d’ailleurs puisqu’à la fin les deux auteurs jouent précisément deux auteurs de théâtre venus solliciter Miquette, sous les noms de de Flers et Caillavet. Pour l’unique fois de sa carrière cinématographique, Clouzot va devoir, non seulement réaliser une comédie, mais adapter une pièce de théâtre. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Clouzot réfléchit aux rapports entre la scène et l’écran. [Clouzot Cinéaste – José-Louis Bocquet – Marc Godin – La Table Ronde (2011)]


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« La grande difficulté pour moi, et c’est pourquoi j’ai renoncé à tourner La Dame de chez Maxim’s, c’est que je crois que dans toute une partie du théâtre, en tout cas la plus importante, le théâtre demande une collaboration entre la salle et la scène. On demande au spectateur de jouer un rôle actif. On est amené à demander une complicité totale au spectateur qui répond et qui renvoie la balle aux acteurs. C’est une partie de tennis très rapide et qui demande une action des deux parts. Au cinéma c’est exactement le contraire qui se passe. Le spectateur de cinéma est placé dans une position où il a encore des réactions au début du film mais sur lequel on tape dans la figure continuellement et le plus rapidement possible pour arriver à l’annihiler et à lui faire subir une action. C’est pour cela qu’il est extrêmement délicat d’adapter un vaudeville créé pour la scène sans le repenser complètement. En tout cas, pour moi le problème reste entier. À partir du moment où l’on veut faire passer au cinéma l’essentiel du théâtre, c’est-à-dire la collaboration du spectateur et de l’acteur, on se trouve devant un fossé extrêmement profond et pour lequel je n’ai pas trouvé de pont pour le passer. Je pense que le cinéma en soi est plus près du roman que du théâtre parce que, au lieu de viser particulièrement une crise, il peut suivre la décomposition de l’action dramatique voisine de celle du roman. » [H. G. Clouzot – Actualité du cinéma (03/03/1949)]


Jean Clouzot et Jean Ferry sont invités à collaborer  au script de Miquette. Comme à son habitude, le cinéaste travaille allongé dans son lit, rue Lagrange. Les deux Jean sont assis dans leurs fauteuils. Jean Clouzot décrit ces séances de travail avec ironie : « Si le travail n’avançait pas assez vite, de rage, il mordait dans ses draps puis nous assénait un « Vous allez trouver un truc drôle ! ». Avec Jean Ferry, nous éclations de rire. Henri ne comprenait pas pourquoi. Il n’avait pas le goût du comique.» Ce que confirme son frère Marcel : « Il n’avait aucun sens de l’humour, il ne comprenait même pas un trait d’humour.» Le cinéaste le reconnaissait d’ailleurs volontiers. À propos d’une éventuelle parenté avec les cinéastes Billy Wilder et Alfred Hitchcock, il sera même catégorique : « Moi, il me manque quelque chose qu’ils ont : je n’ai absolument pas le sens de l’humour. »  [Clouzot Cinéaste – José-Louis Bocquet – Marc Godin – La Table Ronde (2011)]


Le tournage se déroule aux studios Franstudio de Joinville à partir du 5 septembre. Clouzot reprend les conventions du théâtre et du cinéma muet – apartés à la caméra, cartons explicatifs entre les « chapitres », jeu appuyé des acteurs – pour mieux souligner la critique sociale et entraîner le spectateur de l’autre côté du miroir du monde du spectacle. Le film est proche du théâtre filmé et l’action se déroule en partie sur une scène de théâtre. Bourvil a pour partenaires deux très grands acteurs de théâtre : Louis Jouvet et Saturnin Fabre. Louis Jouvet incarne un vieil acteur cabotin, Monchablon, et en profite pour déclamer son texte avec sa diction si particulière. Il est en effet célèbre pour des répliques de cinéma d’anthologie. Il était au côté d’Arletty dans Hôtel du Nord (1938) quand elle prononce le fameux « atmosphère, atmosphère ». Dans Drôle de drame (1937), il adresse à Michel Simon la phrase devenue célèbre : « Moi j’ai dit « bizarre, bizarre » ? Comme c’est étrange… […] Moi, j’ai dit « bizarre », comme c’est bizarre. », Saturnin Fabre est comme Jouvet, un acteur de théâtre. Les deux hommes sont de la même génération. Jouvet est né en 1887 à Crozon (29) et est décédé à Paris en 1951 tandis que Fabre né en 1884, est décédé dans l’Essonne en 1961. Comme louis Jouvet, il a une diction très particulière. Il n’est pas en reste pour ce qui est de la déclamation. Il joue le rôle de l’oncle de Bourvil, le marquis de la Tour Mirande. C’est un vieux marquis débauché qui dans le film se met en scène lui-même et commente pour le spectateur ses actions. Enfin notre comédien rencontre Danièle Delorme, jeune comédienne prometteuse. Ils se retrouveront d’ailleurs en 1956 dans Les Misérables de Jean-Paul le Chanois. Elle y sera la pauvre Fantine, la mère de Cosette qu’elle sera obligée d’abandonner à l’abominable Thénardier qu’incarnera Bourvil. [Véronique Denize – Collection Bourvil – M6 Interactions (2010)]


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Pour le rôle-titre, le cinéaste engage Danièle Delorme, fille du peintre et affichiste André Girard. Depuis le succès de Gigi, réalisé en 1948 par Jacqueline Audry, cette jeune comédienne de vingt-trois ans s’impose comme une valeur sûre du box-office. Ils ne sont pas des inconnus l’un pour l’autre : « Clouzot était un grand ami de mon père et il a dû me connaître avant même que je naisse. Il fréquentait Suzy Delair à l’époque et la petite fille de quatre ans que j’étais se souvient beaucoup plus de la Suzy Delair qui me prenait sur ses genoux que de Clouzot. En 1939, Henri- Georges et Suzy venaient très souvent à la maison, tous les week-ends. Mon père était peintre et Clouzot lui disait souvent qu’il avait raté sa vie et qu’il aurait voulu peindre». Daniel Gélin est alors marié à la jeune vedette. Lui-même a tourné dans une précédente version de Miquette et sa mère en 1939, mais il ne voit pas d’un bon œil l’intérêt du cinéaste pour son épouse : « Danièle avait été convoquée pour faire un tout petit rôle muet dans Manon, un tournage d’une matinée. Elle revint l’après-midi en larmes : Clouzot lui avait assuré qu’elle ne pourrait jamais faire de cinéma à cause de son strabisme. Puis, elle est devenue une vedette avec Gigi, l’Adjani de l’époque, ce qui a décidé Clouzot à l’engager pour Miquette et sa mère. Moi, j’ai trouvé que ce n’était pas pour Clouzot. Je pensais que ce n’était pas un bon scénario et il voulait tourner à une date précise, trop tôt à mon avis. Un jour, Clouzot téléphone. Je décroche en lui racontant qu’il s’était trompé sur Danièle. Je lui ai dit qu’elle était épuisée et j’ai fait retarder le tournage de deux mois».  [Clouzot Cinéaste – José-Louis Bocquet – Marc Godin – La Table Ronde (2011)]


Comme son époux, Danièle Delorme est sceptique : « Je pensais que le rôle n’était pas pour moi, je n’étais pas vraiment comique et ce n’était pas ma spécialité. Je l’ai fait pour avoir l’opportunité de tourner avec Bourvil, Louis Jouvet, Saturnin Fabre et Clouzot qui était LE grand metteur en scène de l’époque. Il a commencé par m’inviter à dîner, nous avons parlé et il m’a tutoyée – il m’a toujours tutoyée et je l’ai toujours vouvoyé. J’avais entendu les histoires de fouettages et de gifles sur la pauvre Cécile Aubry pour Manon et je lui ai dit que s’il me touchait, ne serait-ce que le petit doigt, je sortais du plateau pour ne plus y remettre les pieds… Il a ri en disant que c’était une légende mais j’ai fait écrire tout cela noir sur blanc sur un contrat. Un contrat qui m’autorisait à quitter définitivement mon lieu de travail en cas de problème. » [D. Delorme – Aux auteurs (03/07/1992)]


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Pour jouer le rôle d’Urbain de la Tour Mirande, le cinéaste a choisi Bourvil. C’est durant l’Occupation, chez Carrère, un cabaret huppé de la rue Pierre 1er de Serbie, que Clouzot l’a vu pour la première fois. « J’avais trouvé Bourvil très drôle dans une petite farce et j’avais envie de tourner avec lui.». A la Libération, le chansonnier cauchois est devenu une célébrité nationale en interprétant la chanson « Les Crayons ». Les ondes radiophoniques ont joué un rôle primordial dans son irrésistible ascension : depuis 1947, il participe au programme de la Radio Diffusion française dont le directeur des variétés est Mauricet, l’un de ceux qui ont fait débuté Clouzot une vingtaine d’années auparavant. Triomphant dans son personnage de chansonnier rural, Bourvil a déjà tourné une poignée de films, mais qui ont tous creusé le même sillon du paysan simplet. Avec Miquette, pour la première fois, à trente-deux ans, il peut sortir de ce personnage : « Moi, j’avais peur. On m’avait dit que Clouzot était si terrible. Je me demandais comment je pourrais être comique en me faisant engu… Ben, pas du tout, il est charmant ! » Danièle Delorme en garde un autre souvenir : « Clouzot a torturé ce pauvre Bourvil : il l’a obligé à porter de fausses dents, une perruque, un corset pour cacher son ventre. Il se plaignait et me disait que Clouzot aurait dû engager un jeune premier. Je lui disais de ne pas mettre le corset et que Clouzot ne verrait rien. Il suivait parfois mon conseil et Clouzot le regardait alors avec suspicion». Pourtant, de ce tournage, Bourvil ne gardera comme souvenir que sa rencontre avec Louis Jouvet – lui aussi de la distribution – et leurs franches parties de rigolade.  [Clouzot Cinéaste – José-Louis Bocquet – Marc Godin – La Table Ronde (2011)]


Le tournage dure onze semaines, comme d’habitude, il n’est pas exempt de tension. En dépit de son contrat protecteur, Danièle Delorme reste tendue : « Un jour, j’étais crispée sur le plateau, j’avais les mains nouées et il m’a donné une petite tape sur les doigts. Je suis aussitôt partie. Tout le monde m’a poursuivie et il ne m’a plus jamais retouchée. Mais j’avais toujours cette terreur car il me connaissait depuis que j’étais gamine et il me considérait toujours comme une pente fille. J’avais peur sur ce tournage. Clouzot, qui était néanmoins un magnifique directeur d’acteurs, ne faisait rien pour me rassurer, au contraire, il pouvait s’asseoir devant moi en me disant : « Vas-y ! Fais-nous rire maintenant. » J’étais liquéfiée, complètement terrorisée et je ne pouvais pas réagir car il ne me touchait pas. Mais enfin, il n’a certainement jamais su à quel point j’avais peur de lui. Pour la scène où je suis saoule, j’ai dû boire, sur son conseil, un grand verre de cognac. Je n’y croyais pas du tout car je pense qu’il est préférable de jouer mais j’ai obéi et j’ai vomi aussitôt… » [D. Delorme – Aux auteurs (03/07/1992)]

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Pour compenser, la jeune comédienne peut compter sur ses aînés : « Louis Jouvet a été très gentil avec moi. Il m’avait complètement prise sous son aile et cela m’a préservée. Il me donnait des conseils et je buvais ses paroles. Il était le « Patron » au théâtre, mais sur un plateau de cinéma, il était d’une docilité extraordinaire, faisant juste de temps à autre quelques suggestions. Nous tournions tôt le matin et nous déjeunions pendant une heure à la cantine d’à côté. A table, il y avait Clouzot qui était adorable, Véra – sa future femme -, Jouvet, Bourvil, et moi. On ne parlait pas de cinéma et si Bourvil nous faisait rire,  Clouzot, lui, nous faisait apercevoir l’étendue de sa culture. Saturnin Fabre restait seul et s’enfermait dans sa loge avec sa gamelle de nouilles froides et vertes. Sur le plateau, il s’installait derrière un paravent et sur son fauteuil, il y avait inscrit « Saturnin Fabre » et en italique « est fatigué ». » [D. Delorme – Aux auteurs (03/07/1992)]

En 1949, Saturnin Fabre est l’une des figures incontournables du cinéma français. Clouzot et lui se connaissent depuis longtemps. Dix-sept ans auparavant, ils se sont côtoyés sur Ma Cousine de Varsovie. Fabre, premier prix du Conservatoire, tournait alors son quatrième film. Miquette et sa mère est son cinquante-huitième. Souvent présent sur le tournage, Daniel Gélin assiste à un affrontement entre l’acteur et le réalisateur : « Clouzot s’est heurté avec Fabre qu’il a pris en grippe parce qu’il, voulait qu’il joue autrement. Fabre lui a dit : « Ecoutez, mon bonhomme, cela fait des années que je joue comme cela, vous n’allez pas m’emmerder. Si à l’arrivée je suis mauvais ce sera à cause de vous ». Clouzot lui a répondu : « Vous êtes mauvais et c’est pour cette raison que je vous ai engagé »».  

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De cette collaboration, Saturnin Fabre tirera un enseignement qui vaut pour portrait en creux des deux hommes – et de leurs égos respectifs et contradictoires : « Dans le bureau de tabac de Mme Grandier, mère de Miquette, une reconstitution hallucinante de la marchandise d’un tabac 1900 avait été établie avec l’aide de la régie française. J’y admirais d’anciens rats de cave, des mèches confectionnées à l’amadou, de petites veilleuses, de véritables coronas, etc. Dans une de ces glaces « réclame », je m’y admirais moi-même en caressant doucement l’ondulation de mes cheveux 1897 dont le bouffant devait présenter au spectateur l’harmonie de mon visage aminci par un point d’exclamation. J’ai assisté à une unique projection du film Miquette et sa mère. Je n’ai vu aucun bureau de tabac, aucun rat de cave, aucun amadou, aucune veilleuse, aucun corona, aucune glace « en prime », aucun cheveu frisé au doigt, aucun point d’exclamation. Mais j’ai subi ce que Clouzot propose, expose, impose ; l’ensemble harmonisé de Miquette et sa mère. Il vous a sacrifié à l’ensemble ! » 
« Il y a une chose et une seule que j’aime dans le film, ce sont les apartés à la caméra. Et pour ça, Saturnin Fabre était vraiment le roi. » [S. Fabre – Paris vous parle (31/12/1950)]



A la sortie du film, la critique est en général mitigée. Clouzot avouera plus tard que Miquette est l’une de ses deux seules œuvres qui auront perdu de l’argent. Alors que le film est en cours de mixage, il a d’ailleurs confié ses doutes au journaliste Roger Thérond : « Je sens en moi un besoin de dépaysement. Je suis noyé en France. Je ne vois plus très bien ce qui m’entoure. Le choix de Miquette et sa mère m’apparaît comme un mouvement de retrait». Ce que Clouzot ne dit pas, mais qui éclaire cette remise en question, concerne sa vie privée. Il a rencontré la nouvelle femme de sa vie. Elle est brésilienne et se prénomme Véra. Durant le tournage de Miquette, elle a été présente chaque jour à ses côtés. Très officiellement, elle était l’assistante de la script-girl Andrée Ruze. 

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Henri-Georges Clouzot et Véra Gibson Amado

Fille d’un diplomate brésilien, Véra Gibson Amado avait épousé en 1938 le comédien Léo Lapara. En 1941, le père de Véra, en mission spéciale à Rome, conseille alors au couple de rallier Rio de Janeiro. Là-bas, le jeune comédien fait la connaissance de Louis Jouvet, arrivé récemment avec sa troupe pour une tournée en Amérique du Sud. Léo Lapara est engagé et suit le « Patron » sur les routes du continent. Brésil, Uruguay, Chili, Argentine, Pérou, Equateur, Colombie, Venezuela, Mexique, Cuba, Haïti. Louis Jouvet, le fou du théâtre, renoue avec la grande tradition des saltimbanques montant chaque jour leur chapiteau dans un nouveau village. Mais ici les pays remplacent les villages. Les difficultés sont donc multipliées par cent. Il faut seize jours pour aller de Lima, Pérou, à Bogota, Colombie. Un jour, après une dispute avec Madeleine Ozeray, la muse, maîtresse et vedette dont il a été le Pygmalion, Jouvet se réfugie dans le même immeuble que les Lapara. La comédienne abandonnera la troupe, et Jouvet jusqu’au bout de la tournée partagera avec sa nouvelle maîtresse Monique Mélinand les mêmes meublés que le couple Lapara. 

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Louis Jouvet et Madeleine Ozeray dans « L’Ecole des femmes » de Molière (1936)

Financièrement, tout le monde est logé à la même enseigne. Les recettes sont maigres. Chacun, y compris Jouvet, touche un remboursement de ses frais qui permet tout juste de se payer un toit et de quoi se nourrir. Tout pour le théâtre. Jouvet veut que les spectacles soient présentés comme ils le seraient à Paris. Fût-ce pour une seule représentation. Arrivés à Rio pour trois mois le 27 mai 1941, Jouvet et sa troupe ne reverront finalement Paris que le 18 février 1945. Dès leur retour, Jouvet insiste pour que le « Lapin » et le « Léopard » – c’est ainsi qu’il surnomme Véra et Léo – viennent s’installer chez lui, au troisième étage du 18 quai Louis Blériot. Ils cohabiteront six années. Léo Lapara devient le secrétaire, le partenaire, le confident et l’ami le plus intime du « Patron » de L’Athénée. En mars 1948, la troupe de Jouvet repart en tournée, Egypte, Italie, Pologne, Tchécoslovaquie, Autriche et Allemagne de l’Ouest. Véra est bien sûr du voyage. Sept mille kilomètres de plus parcourus par le « Lapin ». Mais au printemps 1949, après treize années de vie commune, Véra quitte Léo. « Ce n’est pas avec moi que tu es marié. C’est avec le patron », lui répétait-elle constamment. Les circonstances de la rencontre entre la belle Sud-Américaine et le réalisateur français ne sont pas établies, mais tous deux gravitant dans le premier cercle intime de Jouvet, on peut supposer que l’idylle n’est nouée dans cette orbite. Le 15 janvier 1950, au matin, Véra épouse Henri-Georges Clouzot à la mairie du Ve arrondissement. Ils vivront une passion amoureuse et destructrice qui ne se terminera qu’avec la mort de ‘l’oiseau des îles ». [Clouzot Cinéaste – José-Louis Bocquet – Marc Godin – La Table Ronde (2011)]
« Je me suis marié à quarante-trois ans, parce-que je pensais à ce moment-là que j’étais mûr pour être fidèle. » [H. G. Clouzot – Radioscopie (1968)]


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HENRI-GEORGES CLOUZOT
Une personnalité mystérieuse et très controversée, une œuvre dont la noirceur et la cruauté ont rarement eu d’équivalent à l’écran : le moins que l’on puisse dire est que Clouzot ne laisse personne indifférent. Même ceux qui ne l’aiment pas reconnaissent en lui l’un des plus grands cinéastes du monde.


LA TRAVERSÉE DE PARIS – Claude Autant-Lara (1956)
En 1956, Claude Autant-Lara jette un pavé dans la mare avec une sombre comédie sur fond d’Occupation. L’occasion de diriger pour leur première rencontre deux monstres sacrés, Jean Gabin et Bourvil, qui vont s’en donner à cœur joie dans ce registre inédit.

LA JUMENT VERTE – Claude Autant-Lara (1959)
La Jument Verte, écrit par Marcel Aymé, parait en 1933, assurant sa renommée. En revenant à cet écrivain de la truculence et de l’ironie acide, Autant-Lara et son équipe sont moins heureux qu’avec La Traversée de ParisLa verve de la farce villageoise, chez eux, s’inscrit surtout au grès de plaisanteries accompagnées de jurons tout au long d’un dialogue qui vise le succès facile plutôt qu’une vérité psychologique profonde sous la gaillardise.

LE MAGOT DE JOSEFA – Claude Autant-Lara (1963)
Le Magot de Josefa n’est pas un « grand » film dans la carrière de Claude Autant-Lara mais il laisse tout de même une bonne impression dans la série des farces villageoises, spécialités du réalisateur, rassemblant une belle brochette d’acteurs.


LOUIS JOUVET
Il peut sembler paradoxal d’entreprendre une publication sur Louis Jouvet au cinéma. Il fut avant tout homme de théâtre, et cet engagement total de son intelligence, de son savoir, de toute sa personne parait exclure de sa part toute approche, même furtive, de cet art cinématographique qui, de son temps, était déjà « une écriture ». Pourtant, il a tourné trente-deux films…

BOURVIL
Le succès commercial n’a jamais éloigné Bourvil de ses origines paysannes. C’était un homme simple et droit, qui a su interpréter avec beaucoup de sincérité et d’humanité des rôles bouleversants.


3 réponses »

  1. Merci pour cette excellente chronique pleine de détails ! Je suis juste un amateur de bon film et celui ci avec le recul me parait plein de fraîcheur et de tendresse pour ces personnages : celle de Danièle Delorme naïve à souhait et celle des petites troupes de théâtre écumant les villes de province Bourvil et Jouvet sont excellents L’histoire n’est pas très originale, mais j’aime les décors, les placements de caméra et les apartés qu s’adressent aux spectateurs me font sourire … un bon moment de cinéma qui jouent sur une (belle) époque passée

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