La Comédie musicale

ANCHORS AWEIGH (Escale à Hollywood) – George Sidney (1945)

Anchors aweigh (Escale à Hollywood) est la première rencontre à l’écran de Gene Kelly et Frank Sinatra, quatre ans avant Take me out to the ball game (Match d’Amour) et On the town (Un Jour à New York). Cette comédie musicale signée en 1945 par George Sidney regorge de bonne humeur, de chansons et de prouesses techniques.

ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)
De l’autre côté du décor

Anchors aweigh renferme une séquence qui, pour les admirateurs de Gene Kelly, est presque aussi magique que la danse dans les flaques de Singin’ in the rain (Chantons sous la pluie) : celle où il exécute un étonnant pas de deux avec la souris Jerry. La grâce et l’inventivité de ce numéro (à une époque où les effets spéciaux sont rudimentaires) en font, à juste titre, l’un des plus célèbres de l’histoire de la comédie musicale. La chanson elle-même, dont la mélodie est signée par Sammy Fain et les paroles par le producteur Arthur Freed, a fort bien vieilli, tout comme les titres écrits sur mesure par Sammy Cahn et Jule Styne pour le jeune Sinatra. L’un des grands charmes du film réside par ailleurs dans la « visite guidée » qu’il nous offre à travers les studios de la MGM, puisque le scénario est un prétexte à entraîner le spectateur de l’autre côté du décor. Mais la plus grande réussite d’Anchors aweigh tient au charisme de ses vedettes, et en particulier du duo formé par l’audacieux Kelly et le timide Sinatra. Bien qu’il s’agisse pour ce dernier d’un parfait contre-emploi, le succès du film l’amènera à reprendre ce rôle d’ingénu, face au même Kelly, dans deux autres productions de la MGM : Take me out to the ball game et On the town.

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ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)
L’histoire

Clarence DoolittIe (Frank Sinatra) et Joseph Brady (Gene kelly), qui viennent de recevoir pour conduite héroïque la Silver Star, passent leur permission à terre – ils sont marins – à Hollywood. Ils rencontrent le jeune Donald Martin (Dean Stockwell) qui veut devenir marin lui aussi. Donald les conduit chez sa tante, Susan Abbott (Kathryn Grayson), qui plaît visiblement à Clarence. Susan rêve de devenir chanteuse. Joseph lui fait croire qu’il peut lui faire rencontrer Iturbi et que Clarence a obtenu un rendez-vous pour elle. Joseph et Clarence se rendent à l’Hollywood Bowl mais ne parviennent pas à aborder Iturbi. Joseph se confie à Susan. Il se voit en héros et elle en princesse. Mais Joseph ne sait comment joindre Iturbi et Susan comprend la vérité. Iturbi, ému, lui fait passer un test. Il va ensuite voir Joseph et Clarence sur leur bateau et les fait venir au grand concert de la marine. Susan embrasse Joseph et Clarence une jeune fille de Brooklyn.

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ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)
Une oeuvre presque parfaite

Ancien producteur des films interprétés par Deanna Durbin pour l’Universal, Joe Pasternak est devenu en 1942 l’un des producteurs attitrés de comédies musicales pour le compte de la Metro-Goldwyn Mayer. Henry Koster, Norman Taurog, Richard Thorpe, George Sidney, Robert Z. Leonard, Charles Walters et de nombreux autres cinéastes tourneront donc pour lui des films où l’on retrouvera Judy Garland, Frank Sinatra, Mario Lanza, Elizabeth Taylor, Jane Powell, Van Johnson, Cyd Charisse, Gene Kelly et Lana Turner.

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ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)

Pasternak n’a pourtant jamais eu l’exigence et le goût d’un Arthur Freed et ses films, soignés et distrayants, inégaux et réussis, sont le reflet d’une carrière impersonnelle. En dépit de ses qualités, Anchors aweigh montre symboliquement les limites du style de Pasternak par rapport à celui de Freed. Le film permet néanmoins à Gene Kelly de réaliser de véritables ébauches de quelques-uns de ses futurs grands numéros. La « Mexican Hat Dance », qu’interprète Kelly avec la jeune Sharon McManus, développe les rapports privilégiés qui s’établissent entre le danseur et le monde de l’enfance alors que le « Bandit Chief Ballet », dont l’un des mouvements est un tango effectué sur l’air de « La Cumparsita », annonce déjà The Pirate que mettra en scène Minnelli avec le même Kelly et Judy GarlandFrank Sinatra chante « I fall in Love too easily » et Kathryn Grayson est ravissante mais il manque indiscutablement au film la griffe d’un grand producteur. Les scènes avec Jose Iturbi relèvent de la convention de l’époque et George Sidney, le futur génial auteur des Three Musketeerset de Scaramouche, n’est que très inégalement inspiré par un scénario prétexte. [La comédie musicale – Patrick Brion – Edition de la La Martinière (1993)]

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ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)
Effort de guerre

Alors que les soldats américains viennent tout juste de débarquer en Normandie, la MGM lance en juin 1944 le tournage d’une comédie musicale ayant pour héros deux marins de la Navy, L’époque est au patriotisme, et il faut remonter le moral des troupes. Adapté d’une nouvelle de Natalie Marcin, Anchors aweigh sera parfait pour cela. Le tournage en est confié à George Sidney, qui retrouve les deux vedettes dirigées un an plus tôt dans Thousands cheer (La Parade aux étoiles) : Gene Kelly et Kathryn Grayson, étoiles montantes du studio qui sont rejointes par un jeune homme tout aussi prometteur. Révélé par sa collaboration avec l’orchestre de Tommy Dorsey, Frank Sinatra est la nouvelle coqueluche de la chanson. Il a déjà tourné des comédies musicales pour la RKO, mais dans Anchors aweigh, il va danser pour la première fois. Et le défi est d’autant plus grand que son partenaire Gene Kelly est dans ce domaine un virtuose.

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ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)
Mickey ou Jerry ?

Le film est également célèbre pour sa séquence de dessins animés qui permet à Kelly d’évoluer dans un univers féerique où il rencontrera divers animaux, dont Tom et Jerry. Il s’agit de « The Worry Song ». « Stanley Donen et moi, déclarait Gene Kelly, cherchions depuis plusieurs jours quelque chose d’inédit et, après une longue période de silence, Stanley suggéra : Et pourquoi pas une danse avec un dessin animé ? » Le projet fut proposé à Louis B. Mayer qui demeura réticent, ne parvenant pas à bien visualiser l’idée de Donen et Kelly. Joe Pasternak insista auprès de Mayer puis d’Eddie Mannix, l’un des responsables de la M.G.M., mais sans parvenir à les convaincre. Toujours dubitatif, Mannix conseilla à Kelly et à Donen de téléphoner à Walt Disney pour lui demander conseil. Disney, qui, à ce moment-là, tentait une expérience similaire dans The Three Caballeros, fut enthousiasmé et reconnut que ce que lui proposait Gene Kelly était même en avance sur ses propres tentatives. «Je serai toujours reconnaissant à Walt, avoua Kelly, car il téléphona à Eddie Mannix pour lui dire tout le bien qu’il pensait de notre idée et l’assurer de la fiabilité d’une telle séquence. C’était tout ce que Mannix et Mayer souhaitaient entendre. Ils permirent alors à Pasternak de tourner la scène. » Malgré la demande de Kelly et de Donen, Disney refusa pourtant de réaliser la séquence en question dans ses propres studios et c’est le département d’animation de la M.G.M., que dirigeait Fred Quimby, qui fut chargé de la mettre au point. William Hanna et Joseph Barbera travaillèrent alors avec Irving G. Ries, chargé de la supervision des effets optiques.

La réalisation de la scène prit deux mois, retarda la sortie du film et coûta 100 000 dollars. Vêtu en marin – casquette, tee-shirt rayé et pantalon blanc – Kelly fait son apparition dans un monde peuplé d’oiseaux qui lui apprennent que la musique est interdite par une loi royale. Le marin se rend au château où le roi – c’est Jerry – se lamente et refuse le fromage que lui propose en vain son fidèle domestique (Tom). Le roi se plaint de ne pouvoir ni chanter ni danser. Kelly montre alors à Jerry comment danser. Le souverain fait des claquettes avec le marin et finit par lui remettre une médaille car désormais il peut danser. Kelly a toujours reconnu l’apport considérable de Donen. Lui-même avait été filmé devant un fond bleu, Jerry avant ensuite été animée grâce au principe du rotoscope, les deux images étant finalement optiquement réunies sur le même plan. Interrogé sur la mise au point. de celle séquence Stanley Donen avouait qu’elle lui avait pris presque un an… encore plus que les deux mois dont on parle habituellement à son propos. [La comédie musicale – Patrick Brion – Edition de la La Martinière (1993)]

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ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)
Levons l’ancre

Une fois la séquence avec Jerry terminée, Anchors aweigh peut sortir sur les écrans, en août 1945. La guerre touche alors à sa fin, mais le film n’en attire pas moins le public. En particulier les fans de Frank Sinatra qui, dans son premier film en couleurs, révèle des yeux d’un bleu irrésistible. L’une des chansons que lui ont concocté Sammy Cahn et Jule Styne, « I Fall In Loue Too Easily », devient d’ailleurs l’un de ses grands succès. Quatre autres chansons écrites spécialement par le duo émaillent le film, ainsi que des morceaux de Brahms et Tchaïkovsky. Sans oublier bien sûr l’hymne de la Navy, « Anchors Aweigh », qui donne son titre original à cette comédie musicale fort attachante…

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ANCHORS AWEIGH (George Sidney, 1945)

Programme musical (sélection)
« We Hate to Leave »
Music by Jule Styne
Lyrics by Sammy Cahn
Played off-screen during the opening credits
Sung and Danced by Gene Kelly and Frank Sinatra
Orchestrated by Axel Stordahl
« I Begged Her »
Lyrics by Sammy Cahn
Music by Jule Styne
Orchestrated by Axel Stordahl
Copyright 1944 by Leo. Feist Inc.
Sung and Danced by Gene Kelly and Frank Sinatra
« The King Who Couldn’t Dance » (The Worry Song)
Music by Sammy Fain
Lyrics by Arthur Freed
Sung by Gene Kelly and Jerry Mouse (voiced by Sara Berner)
Danced by Gene Kelly and Jerry Mouse
« Jarabe Tapatío » (The Mexican Hat Dance)
Written by Felipe A. Partichela
Performed by Gene Kelly and Sharon McManus
« La Cumparsita »
Music by Gerardo Matos Rodríguez
Danced by Gene Kelly

GENE KELLY ET STANLEY DONEN : L’INVITATION À LA DANSE
L’audace et le brio de l’acteur-danseur Gene Kelly et du réalisateur Stanley Donen contribuèrent au regain de vitalité de la comédie musicale qui atteindra, grâce à eux, son apogée au cours des années 1950.  


Kiss me, Kate !

Née le 9 février 1922, Zelma Hedrick devient Kathryn Grayson lorsqu’elle est engagée à l’âge de seize ans par Louis B. Mayer, le grand patron de la MGM. Ayant toujours rêvé de chanter l’opéra, l’adolescente n’est qu’à moitié heureuse de se lancer dans le cinéma. Elle suit néanmoins une formation de près d’un an, comprenant des cours de chant, de diction et de comédie, au terme de laquelle le studio la déclare prête à tourner son premier film. Ce sera Andy Hardy’s Privare Secretary, une nouvelle aventure du héros joué par Mickey Rooney. Passant avec succès ce baptême du feu, Kathryn partage ensuite l’affiche de Rio Rita avec les comiques Abbon et Costcllo, avant de jouer une jeune Hollandaise dans Seven Sweethearts (Sept amoureuses). Mais ce sont deux films où elle donne la réplique à Gene Kelly qui vont faire d’elle une star : Thousands cheer (La Parade aux étoiles), film patriotique réalisé en 1943, et Anchors aweigh, sorti en 1945. Entre ces deux tournages, la jeune actrice consacre la plupart de son temps à des spectacles aux armées.

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Au sortir de la guerre, Kathryn apparaît aux côtés des autres « vedettes chantantes » de la MGM dans Ziegfeld Follies et Till the clouds roll by (La Pluie qui chante). Le studio mise ensuite sur son association avec des partenaires prestigieux, dont Frank Sinatra (It Happened in Brooklyn, The Kissing bandit) et le ténor Mario Lanza (That Midnight kiss , The Toast of New Orleans), qu’elle déteste car il essaie réellement de l’embrasser lors des prises de vues. Elle partage également avec Howard Keel l’affiche de trois grands succès : Show Boat (avec Ava Gardner), Lovely to look at (Les Rois de la couture), et Kiss me, Kate (Embrasse-moi chérie), une adaptation du célèbre « musical » de Cole Porter, Kiss me, Kate. Mais malgré cette position privilégiée à la MGM, Kathryn choisit de quitter le studio à la fin de son contrat en 1953. C’est donc pour la Paramount qu’elle tourne en 1956 son dernier film, The vagabond King. Lassée du cinéma, l’actrice réalise ensuite son rêve de jeunesse en chantant l’opéra : Madame Buterfly, La Bohême, La Traviata… Elle se produira également dans des pièces Love Letters et des « musicals » (Show Boat, Camelot). Restée célèbre aux États-Unis, Kathryn Grayson s’est éteinte dans son sommeil le 17 février 2010.

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