Les Actrices et Acteurs

LES SECONDS RÔLES DU CINÉMA FRANÇAIS DANS LES FILMS DE JULIEN DUVIVIER

Dans la volumineuse filmographie de Julien Duvivier, on évoque principalement les acteurs et actrices de premier plan en oubliant, parfois, les seconds rôles. Or, leur place est essentielle et leur talent a contribué, en donnant la réplique aux plus grandes stars, à la réussite des films du réalisateur. Voici quelques exemples de seconds rôles du cinéma français ayant joué dans les films de Duvivier. La liste n’est pas exhaustive et sera enrichie au fil du temps.  


AIMOS 
Pseudonyme de Raymond Caudurier, né à la Fère en 1889. Dégingandé, la mine chafouine, l’œil malin, la gouaille d’un titi parisien, Aimos est l’un des plus populaires seconds rôles de l’âge d’or du cinéma français. C’est avec le parlant qu’il obtient ses meilleurs emplois, où sa verve et son naturel font mouche, notamment les personnages de « copain à la vie à la mort » ; ainsi dans Le Quai des brumes de Carné (1938) et bien sûr dans La Bandera de Duvivier (1935) – Duvivier qui l’emploiera à plusieurs reprises encore, dans Le Golem (1935), La Belle équipe(1936). Très aimé du grand public, cet amuseur-né meurt sur les barricades de la Libération de Paris le 22 août 1944. 


ANDRÉ ALERME  
Rondeur comique du cinéma français pendant près de trente ans, Alerme (né à Dieppe en 1877) débute à l’écran à l’aube des années 1920 après avoir renoncé à la médecine et à la sculpture, et avoir beaucoup joué sur les scènes du Boulevard. En vieux routier du monde du spectacle, il use avec élégance et sûreté de sa corpulence. De sa prolifique carrière – il a près de soixante-dix films à son actif -, on retiendra surtout La Kermesse héroïque de Feyder (1935), L’Homme du jour de Duvivier (1936), Paradis perdu d’Abel Gance (1940) et Le Jour se lève de Carné (1939). André Alerme est mort en 1960. 


MARCELLE GÉNIAT 
Avoir campé la Chouette dans Les Mystères de Paris de Gandéran(1935), puis « torturé moralement » Gaby Morlay dans Le Voile bleu de Jean Stelli (1942) a valu à Marcelle Géniat, (née en 1881) le surnom de « Geignarde ». Et il est vrai qu’elle a excellé avec un naturel extrêmement surprenant dans les rôles les plus ingrats – mais aussi les plus difficiles – du cinéma français des années 1930 à 1950. Son jeu dans La Belle équipe de Duvivier (1936) ou dans Le Loup des Malveneur de Guillaume Radot (1943) n’a pas fait oublier la fonction qu’elle aurait remplie avec un zèle tout particulier – non plus à l’écran cette fois, mais dans sa vie -, celle de directrice d’une maison de redressement pour jeunes filles ! Marcelle Géniat est morte en 1959. 


PIERRE ALCOVER 
Né à Châtellerault en 1893, Alcover, comme l’implique son premier prix du Conservatoire, débute à la Comédie-Française, avant de se consacrer au cinéma, où il impose sa puissante présence dans nombre de films muets d’avant-garde, notamment Champi-Tortu de Jacques de Baroncelli (1921) et surtout Feu Mathias Pascal (1925) et L’Argent (1927) de Marcel L’Herbier. Paradoxalement pour cet acteur doté d’une voix de bronze, le parlant ne lui vaudra que des rôles de comparse dans des vaudevilles, des policiers ou des drames patriotiques. Signalons tout de même deux apparitions remarquées, dans La Petite Lise (1930) de Jean GrémillonUn Carnet de bal de Duvivier (1937) et Drôle de drame de Carné (1937). Alcover est mort en 1957. 


ANDREX 
Pseudonyme d’André Jaubert, né en 1907. C’est son ami Fernandel qu’Andrex doit avoir fait une honnête carrière au cinéma. Tout d’abord chanteur, à l’Alcazar de Marseille puis au concert Mayol à Paris, il obtient son premier rôle important, dans Angèle de Pagnol (1934). On le verra ensuite dans Un Carnet de bal de Duvivier (1937), Hôtel du Nord de Carné (1938), Fric-Frac de Maurice Lehman et Autant-Lara (1939) et Circonstances atténuantes de Jean Boyer (1939). Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il campera presque toujours des personnages méridionaux, comme en attestent Honoré de Marseille de Maurice Regamey (1956) et Era di Venerdi (Sous le soleil de Provence, 1956) de Soldati. 


CHARPIN 
Né en 1887, Charpin est surtout connu grâce à Marcel Pagnol, qui a magistralement mettre en valeur son sens de la réplique, notamment dans la trilogie Marius, Fanny et César (1931, 1932, 1936), La Femme du boulanger (1938) et La Fille du puisatier (1940). Mais son talent d’acteur méridional a trouvé à s’employer efficacement avec bien d’autres réalisateurs, à commencer par Duvivier, qui l’a fait tourner dans Pépé le Moko (1936) et La Belle équipe (1936). Faconde, verve et assurance, Charpin avait tout cela, et dans ses meilleurs jours il pouvait confiner au génie, comme Raimu, comme tous ces « marseillais » que Pagnol savait si bien choisir. Charpin est mort en 1944. 


FRÉHEL 
Pseudonyme de Marguerite Boulc’h, né en 1891. Dans Pépé le Moko de Duvivier (1936), Fréhel apparaît dans le rôle de Tania, la matrone de la Casbah d’Alger. Tandis qu’elle écoute un de ses disques, on aperçoit au mur la photo d’une fille mince coiffée à la mode 1900. C’était Fréhel, qui s’appelait la « Môme Pervenche » – nom qu’elle abandonna en 1909. Sans occuper la place qu’elle connut au cabaret, sa présence dans seize films, de 1930 à 1950, a toujours été très remarquée et remarquable, c’est-à-dire de Cœur de lilas d’Anatole Litvak (1932) et La Maison du Maltais de Pierre Chenal (1938) à Un Homme marche dans la ville de Marcello Pagliero (1950). Décédée à Paris en 1951 presque dans la misère, Fréhel survit aujourd’hui grâce à ses films, plus encore que par ses disques. 


SATURNIN FABRE 
Un second rôle qui a été une incontestable vedette : tel a été Saturnin Fabre, né à Sens en 1883. Habité d’une sorte de folie grandiose, pratiquant une diction incroyable, il conférait à la moindre silhouette un relief extraordinaire. Comique mais inquiétant, il finissait par donner à ses interprétations un caractère d’ambiguïté que ne prévoyait pas toujours le scénario. Saturnin Fabre (mort en 1961)a eu ses plus beaux rôles dans Pépé le Moko de Duvivier (1936), Messieurs les ronds-de-cuir d’Yves Mirande (1936), Désiré de Sacha Guitry (1937), La Nuit fantastique de Marcel L’Herbier (1942), Marie-Martine d’Albert Valentin (1943), Les Portes de la nuit de Carné (1946), Miquette et sa mère de Clouzot (1949) et La Fête à Henriette de Duvivier (1952). 


GABRIEL GABRIO 
Sa création de Jean Valjean dans la version des Misérables d’Henri Fescourt (1925) fera de Gabriel Gabrio, né à Reims en 1888, une grande vedette du cinéma des années 1920. Après avoir bien pris le tournant du parlant, vers 1935 – en témoigne son interprétation remarquée dans Pépé le Moko de Duvivier (1936), Les Croix de Bois de Raymond Bernard (1932) et dans Regain de Pagnol (1937) -, il verra ses rôles commencer à diminuer, et sera condamné aux emplois secondaires. Sobre, massif, avec ce qu’on appelle une « puissance écrasante », il aurait pu être une sorte de McLaglen français. Gabriel Gabrio s’est éteint en 1946. 


JEANNE FUSIER-GIR 
Dès 1930, le parlant offre une place de choix à Jeanne Fusier-Gir (née en 1892) dans le domaine des seconds rôles : les scénaristes ne ménageront pas leur peine pour l’imaginer en pipelette revêche ou en commerçante volubile. Sa voix fluette et son débit haché produisent des effets comiques toujours très appréciés sur un public friand de personnages pittoresques. Excellente dans Crainquebille de Feyder (1923), Marie-Martine de Valentin (1943), Le Corbeau de Clouzot (1943), Falbalas de Becker (1945) et Marie-Octobre de Duvivier (1958), Jeanne Fusier-Gir a également fait partie de la « bande » à Guitry, de Remontons les Champs-Elysées (1938) à Napoléon (1955). Elle s’est éteinte en 1973. 


GASTON MODOT 
Né à Paris en 1887, cet ami de Picasso et de Modigliani a lui-même été peintre avant de se consacrer au septième art en 1910. Débute alors une carrière prestigieuse qui durera plus de cinquante ans. Grand, athlétique, le regard sombre, il est capable d’incarner aussi bien les traîtres et figures patibulaires que les comiques ou les héros de drame. Admirable dans L’Opéra de Quat’sous de Georg Wilhelm Pabst (1931), La Grande illusion et La Règle du jeu de Renoir (respectivement réalisés en 1937 et 1939), Les Enfants du paradis de Carné (1944) et Rendez-vous de juillet de Becker (1949), il reste attaché également à trois films phares de DuvivierLa Bandera (1935), Pépé le Moko (1936) et La Fin du jour (1939). Gaston Modot (mort en 1970) a en outre écrit plusieurs scénarios et dirigé à l’occasion quelques films.  


SYLVIE 
Pseudonyme de Louise Mainguené, née à Paris en 1883. Sylvie n’a jamais été une vedette, certes, mais depuis son premier film, Britannicus de Camille de Morlhon (1913), elle a marqué le cinéma français de fort belles compositions, avec des films de premier plan comme Le Corbeau de Clouzot (1943), Les Anges du péché de Bresson (1943) et Le Père Goriot de Robert Vernay (1944). Parmi ses plus belles créations, on peut également citer Marie-Martine d’Albert Valentin (1943), Dieu a besoin des hommes de Jean Delannoy (1950), Thérèse Raquin de Carné (1953) et La Vieille dame indigne de René Allio (1965), ainsi que quatre longs-métrages de DuvivierUn Carnet de bal (1937), La Fin du jour (1939), Sous le ciel de Paris (1950) et Le Petit monde de Don Camillo (1951). Sylvie est décédée en 1970. 


MARCEL PÉRÈS 
Pseudonyme de Marcel Farenc. Né à Castelsarrazin en 1898, Marcel Pérès débute sur les planches dans le spectacle forain de son beau-père. En 1924, il monte à Paris. Engagé dans une revue de Rip, il fait également de la figuration dans des films muets. Jean Gabin et Roger Blin seront en quelque sorte ses parrains au cinéma. Le premier le fait engager dans Variétés de Nicolas Farkas (1935), le second dans Mollenard de Robert Siodmak (1938). Et, dès lors, le plus célèbre « bourru » du cinéma français n’arrêtera pas de tourner. Dans sa remarquable filmographie, on retiendra surtout La Charrette fantôme de Duvivier (1939), Goupi mains rouges de Becker (1943), Les Enfants du paradis de Carné (1944) et Un Drôle de paroissien de Mocky (1963). Son dernier film, Le Fantôme de la liberté de Buñuel, est sorti un mois après sa mort, survenue le 28 juin 1974. 


PIERRE RENOIR 
Frère aîné de Jean et fils du peintre, Pierre Renoir, né à Paris en 1885, débute sa carrière au théâtre, notamment aux côtés de Valentine Tessier qui a été sa compagne, dans la troupe de Louis Jouvet. À la naissance du cinéma parlant, il est convaincu par son frère Jean Renoir de travailler pour le cinéma. Il joue ainsi son premier grand rôle en 1932 dans La Nuit du carrefour dirigé par son frère Jean, en incarnant le commissaire Maigret. On se souvient également de lui dans La Bandera de Duvivier (1935), La Maison du Maltais de Pierre Chenal (1938), Dernier atout de Becker (1942), Le loup des Malveneur de Radot et Les Enfants du paradis de Carné (1944). Pierre Renoir est mort en 1952. 


VALENTINE TESSIER
 Dirigée par Jacques Copeau et Louis Jouvet, Valentine Tessier (née en 1892) a été une grande comédienne de théâtre avant d’apparaître dans une vingtaine dans une trentaine de films entre 1911 et 1959. Naturellement distinguée, elle a surtout incarné des femmes du monde. Ses plus beaux rôles, elle les a tenus dans Madame Bovary de Renoir (1934), La Charrette fantôme de Duvivier (1939) et Maigret et l’affaire Saint-Fiacre de Jean Delannoy (1958). Elle décéda en 1981.


ROBERT LE VIGAN 
Pseudonyme de Robert Coquillaud, né à Paris en 1900. Sorti du Conservatoire en 1918, il débute une prestigieuse carrière théâtrale avant d’apparaître à l’écran dans Les Cinq gentlemen maudits de Duvivier (1931). En 1933, Duvivier fait de nouveau appel à lui pour être le fou dans Le Petit roi, et Jean Renoir lui confie le rôle du marchand d’étoffes L’Heureux dans Madame Bovary (1934). Mais Le Vigan imposera définitivement sa prodigieuse silhouette de prophète halluciné en incarnant le Christ dans Golgotha de Duvivier (1935). Toujours avec le même réalisateur, il tourne La Bandera (1935), que suivent Regain de Pagnol (1937), Le Quai des brumes de Carné (1938) et Goupi mains rouges de Becker (1943). L’année suivante, contraint d’abandonner son rôle dans Les Enfants du paradis, il fuit à Sigmaringen avec son ami Louis-Ferdinand Céline qui l’avait entraîné dans la collaboration. Arrêté, il sera condamné à dix ans de travaux forcés et à l’indignité nationale à vie. Mis en liberté conditionnelle, il gagnera l’Espagne puis l’Argentine, où il tournera quelques petits rôles. Robert Le Vigan est mort en 1972 à Buenos Aires. 


JULIEN DUVIVIER
Avec Renoir, Carné et Grémillon, Duvivier a été la personnalité la plus marquante du cinéma français des années 1930. La sûreté de son art et son esprit éclectique devaient lui attirer les faveurs d’Hollywood où, pendant la guerre, il allait poursuivre une très brillante carrière. Un même drame unit le vieux comédien de La Fin du jour (1939), admirablement interprété par Michel Simon, et le jeune Duvivier, qui se destine à une carrière théâtrale : le trou de mémoire qui paralyse en scène. Si la défaillance sera fatale pour l’aîné, elle sera la chance de la vie du cadet.  


VISAGES FAMILIERS DU CINÉMA FRANÇAIS (partie 1)
Avec ses héros romantiques, ses femmes abandonnées, ses petits commerçants, le cinéma français des années 1930 a favorisé la popularité d’un grand nombre d’acteurs qui ont prêté, avec talent, leur visage à une série de personnages inoubliables.

VISAGES FAMILIERS DU CINÉMA FRANÇAIS (partie 2)
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’Occupation à de nombreux jeunes acteurs de se révéler au public. La plupart rapidement au vedettariat au cours des années 1950, mais si on excepte quelques chefs-d’œuvre fulgurants, Ils seront souvent mal employés.



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1 réponse »

  1. Si jje peux me permettre, certains acteurs dans cette liste ne mérite pas le terme de second role

    Ce ssont des personnages à part entiere

    Charpin, Fabre, le Vigan,etc

    C’était juste une paranthese

    J’aime

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